Romans
1954
Bonjour tristesse
Sur ce sentiment inconnu dont l’ennui, la douceur m’obsède, j’hésite à apposer le nom, le beau nom grave de tristesse. C’est un sentiment si complet, si égoïste que j’en ai presque honte alors que la tristesse m’a toujours paru honorable. Je ne la connaissais pas, elle, mais l’ennui, le regret, plus rarement le remords. Aujourd’hui, quelque chose se replie sur moi comme une soie, énervante et douce, et me sépare des autres.
Editeur: R. Julliard
1956
Un certain sourire
En compagnie de son jeune amant Bertrand, Dominique, étudiante à la Sorbonne, connaît bien “ la petite couleur mauve de l’ennui”. Tout change quand Bertrand lui présente son oncle Luc, séduisant quadragénaire à la réputation légère. Près de lui, Dominique se sent tout à coup gaie et drôle, étrangement vivante, et accepte de le suivre pour quinze jours de vacances à Cannes.
Que risque-t-elle ? S’attacher à cet homme frivole, un peu cynique, qui semble jouer avec elle ? Souffrir ensuite ? Et après ? Le plaisir, les rires, une complicité inattendue, cela ne vaut-il pas mieux que de s’ennuyer ?
Editeur: R. Julliard
1957
Dans un mois, dans un an
Bernard entra dans le café, hésita un instant sous les regards de quelques consommateurs défigurés par le néon et se rejeta vers la caissière.
Il aimait les caissières de bars, opulentes, dignes, perdues dans un rêve ponctué de monnaie et d’allumettes. Elle lui tendit son jeton sans sourire, l’air las.
Il était près de quatre heures du matin. La cabine téléphonique était sale, le récepteur moite.
Editeur: R. Julliard
1959
Aimez-vous Brahms...
Paule contemplait son visage dans la glace et en détaillait les défaites accumulées en trente-neuf ans, une par une, non point avec l’affolement, l’acrimonie coutumiers en ce cas, mais avec une tranquillité à peine attentive. Comme si la peau tiède, que ses deux doigts tendaient parfois pour souligner une ride, pour faire ressortir une ombre, eut été à quelqu’un d’autre, à une autre Paule passionnément préoccupée de sa beauté et passant difficilement du rang de jeune femme au rang de femme jeune : une femme qu’elle reconnaissait à peine.
Editeur: R. Julliard
1961
Les merveilleux nuages
Sur le ciel bleu cru de Key Largo, le palétuvier se détachait en noir, à contre-jour, et sa force desséchée, n’évoquait en rien un arbre, mais plutôt un insecte infernal. Josée soupira, referma les yeux. Les vrais arbres étaient loin, à présent, et surtout le peuplier de jadis, ce peuplier isolé, au bas d’un champ, près de la maison. Elle s’étendait dessous, les pieds contre le tronc, elle regardait les centaines de petites feuilles agitées par le vent, pliant ensemble, et très haut, la tête de l’arbre, toujours sur le point de s’envoler, semblait-il, dans sa minceur.
Editeur: R. Julliard
1965
La chamade
Elle ouvrit les yeux. Un vent brusque, décidé, s’était introduit dans la chambre. Il transformait le rideau en voile, faisait se pencher les fleurs dans leur grand vase, à terre, et s’attaquait à présent à son sommeil. C’était un vent de printemps, le premier : il sentait les bois, les forêts, la terre, il avait traversé impunément les faubourgs de Paris, les rues gavées d’essence et il arrivait léger, fanfaron, à l’aube, dans sa chambre pour lui signaler, avant même qu’elle ne reprit conscience, le plaisir de vivre.
Editeur: R. Julliard
1968
Le garde du cœur
La route du bord de mer, à Santa Monica, près d’Hollywood, s’allongeait, droite, implacable, sous la ronronnante Jaguar de Paul. Il faisait chaud, tiède, l’air sentait l’essence et la nuit. Paul roulait à cent cinquante. Il en avait adopté le profil distrait des gens qui conduisent trop vite, et, sur ses mains, des gants habilement troués aux phalanges, comme ceux des grands conducteurs, des mains qui, de ce fait, me semblaient légèrement répugnantes.
Editeur: R. Julliard
1969
Un peu de soleil dans l'eau froide
Gilles est un journaliste parisien brillant lorsqu’une dépression le surprend. Il décide de quitter le Paris cynique et rieur pour se reposer auprès de sa sœur dans le Limousin. Et c’est là-bas qu’il rencontre Nathalie Sylveneur, une femme mariée, entière, sincère qui tombe instantanément amoureuse de lui. Elle quitte tout, emménage à Paris dans son petit appartement, se livre à lui sans retenue et ne lui demande que d’en faire autant. Mais Gilles, qui croît lui aussi l’aimer, se rend compte que cette existence trop exclusive, trop passionnelle, l’ennuie. Nathalie l’avait pourtant prévenu, elle resterait avec lui jusqu’à ce qu’il lui demande de s’en aller.
Editeur: Stock
1972
Des bleus à l'âme
Sébastien et Éléonore, frère et sœur, complices inséparables, la quarantaine proche, se retrouvent à Paris. Également beaux et blonds, comme il se doit, les voici nonchalamment installés dans un meublé de hasard, parfaitement désargentés et parfaitement disponibles. Presque aussitôt, se pressent autour d’eux Nora, une Américaine aussi riche que mûre, Bruno, jeune premier du cinéma français, Robert, un célèbre impresario…
Editeur: Stock
1974
Un profil perdu
Ils sont à la fin de leurs années de mariage. Ils se rendent pour la dernière fois à un dîner ensemble, pour la dernière fois, ils vont offrir à leurs amis l’image d’un couple parfait. Alan, le bel américain, se révèle d’une jalousie mortelle et Josée, sa femme, sait qu’elle ne peut plus le supporter. A ce dîner, Josée rencontre Julius A. Cram, petit, un peu chauve, il porte des lunettes. Milliardaire, respecté et craint de tous, surtout de ses amis, il a la réputation d’être un requin de la finance, Julius se prend d’affection pour Josée et décide de l’aider à s'échapper de ce mariage raté. Josée se laisse faire, et trouve en l’espace de quelques jours un studio pour un prix dérisoire, un travail dans une revue passionnante et entre dans le cercle très fermé et très snob de Julius. Elle s’ennuie un peu, mais accepte l’amitié que semble lui offrir son nouvel ami. Mais la gratuité existe-t-elle réellement ? Un magnifique roman d’amour et une description parfaite du confort de la mauvaise foi.
Editeur: Stock
1977
Le lit défait
"C’est drôle, disait la voix de Béatrice - très haut -, bien plus haut que lui-même, semblait-il, sur le lit - c’est drôle que tu ne m’aies pas oubliée depuis cinq ans… " Lorsque Béatrice a quitté négligemment Edouard cinq ans plus tôt, elle l’a vite remplacé. Ce garçon, bien que séduisant, était très jeune et manquait d’avenir. Mais le voilà, désormais auteur à succès, coqueluche du Tout-Paris et toujours aussi fou d’elle. Béatrice, la magnifique et féroce actrice de boulevard, retombe dans ses bras, étonnée de se souvenir encore de lui. Le beau couple qu’ils forment ne manque pas d’exciter les curiosités, chacun se demandant combien de temps il va durer. Edouard, le premier qui sent bien que Béatrice n’est pas vraiment amoureuse. Cependant, il ne peut faire autrement que de l’aimer passionnément. Il est même prêt à essuyer les infidélités de son adorée. Et puis, un jour, Béatrice comprend qu’elle aime, pour la première fois. Elle aime Edouard. Françoise Sagan dépeint les sentiments amoureux avec une telle acuité, une telle vérité qu’on peut croire qu’elle décrit les propres mouvements de son cœur.
Editeur: Stock
1980
Le chien couchant
À Cardin, petite ville du Nord, Gueret emprunte chaque soir le même chemin pour rentrer de l’usine et, chaque soir, c’est le même chien qui l’accompagne jusqu’à sa pension. Ce chien sera son unique compagnon s’il n’y avait Nicole, jeune ouvrière qui rêve de mariage. Nicole est désirable et attentionnée, mais tellement frivole que Guéret lui préfère Maria, sa logeuse quinquagénaire. Hélas, celle-ci ne lui exprime qu’indifférence et mépris; jusqu’au soir où un meurtre sanglant est commis. Maria a tôt fait de prendre son piètre locataire pour l’auteur du crime. Elle le regarde enfin. Bien plus, elle le respecte et l’admire. Gueret, trop heureux d’avoir enfin ses faveurs, ne la détrompera pas. Un jeu de dupes s’instaure alors entre eux. Jusqu’où cette imposture mènera-t-elle Gueret ? S’il se dévoile, ne risque-t-il pas de perdre l’amour de Maria, de tout perdre ? Seul témoin de cette relation qui peut en pressentir la douloureuse fin : le fidèle chien couchant.
Editeur: Stock
1981
La femme fardée
À bord du Narcissus, la croisière organisée en l’honneur de la diva Doriacci revêt des allures de drame amoureux. Des passions secrètes se tissent au sein de la cohorte de bourgeois réunis et rompent la tranquillité mondaine. Il y a Olga Lamouroux, starlette française, dernière protégée du cinéaste Simon Béjart ; la riche Edma Bautet-Lebrêche et son ennuyeux de mari Armand ; Julien Peyrat, commissaire-priseur plein de charme ; le jeune Andréas Fayard, gigolo professionnel et, enfin, Eric Lethuillier, à la tête d’un journal « de gauche », accompagné par sa timide épouse Clarisse. Sous l’emprise de son mari, cette dernière tente vainement de dissimuler sa fragilité sous un maquillage outrancier. Elle est « la femme fardée » qui intrigue autant qu’elle émeut. Alors qu’Eric s’affiche publiquement en compagnie d’Olga, Clarisse succombe à la passion adultère dans les bras de Julien. La tension monte et les poses mondaines insuffisantes à dissimuler les sentiments abjects, deviennent aussi tristes que burlesques. Scandés par des airs d’opéra, les masques tombent les uns après les autres, faisant retenir une seule question : l’orgueil bourgeois laisse-t-il une chance à l’amour ?
Editeur: Stock
1983
Un orage immobile
Nous voici donc à Angoulême en 1832, au printemps. Malgré quelques orages, Louis-Philippe règne, les riches sont riches, les pauvres sont pauvres et les bourgeois sont contents... Le vieil homme qui se souvient avait alors trente ans, son étude de notaire était florissante et il aimait passionnément. Elle s'appelait Flora. Fille d'émigrés de veille noblesse, soudain veuve et orpheline, elle avait quitté l'Angleterre pour rouvrir Margelasse, le château de famille à demi abandonné. Elle était despotique et fastueuse, inaccessible et sensuelle. Un notaire de province, en effet, pouvait en perdre la raison.
Editeur: Stock
1985
De guerre lasse
Charles Sambrat n’aimait pas la guerre. En mai 1942, il dirigeait tranquillement son usine dans le Dauphiné et meublait ses loisirs d’aventures faciles. Jérôme, son ami, son complice, son contraire, luttait contre les nazis, organisait des filières d’évasion. Son arrivée à l’improviste, en compagnie d’Alice, belle et dévorée d’angoisse, va jeter Charles dans une autre vie. Il lui faudra conquérir Alice qui a provoqué chez lui un amour total, la protéger lorsqu’elle devra prendre les plus grands risques dans le réseau que dirige Jérôme et l’arracher à la jalousie et à la fureur de son ami.
Editeur: Gallimard
1987
Un sang d'aquarelle
Paris, 1942. Constantin von Meck, metteur en scène allemand qui a fait l’essentiel de sa carrière à Hollywood, tourne un film pour la U.F.A. Il ironise sur ces compatriotes, s’insurge contre les brutalités policières, tente de sauver deux techniciens juifs, est révolté par une scène de torture, mais il ne remet fondamentalement en cause ni l’Allemagne nazie, ni la collaboration, ni sa propre attitude. Il aime la vie et les femmes – surtout la sienne, la belle Wanda. Il aime les hommes, les personnages extravagants et le rire. Séduisant, bruyant, drôle lui-même, il avoue pourtant avoir du « sang d’aquarelle ». Il lui faudra la révélation de l’horreur devant laquelle, d’abord, il recule pour affronter finalement son destin, au terme d’une existence placée sous le double signe de la comédie et de la tragédie
Editeur: Gallimard
1989
La laisse
Je rentrai à pas de loup dans l’obscurité de notre chambre. C’était une pièce très féminine, tendue de tissu indien, où le parfum de Laurence, exquis et lourd, flottait comme à l’accoutumée et, comme à l’accoutumée, me laisserait sans doute quelques migraines, d’autant qu’après deux ou trois cutis positives dans son adolescence, la mère de ma femme l’avait persuadée de dormir volets et fenêtres clos.
Editeur: R. Julliard
1991
Les faux-fuyants
La Chenard et Walcker resplendissaient sous ce beau soleil de juin 40, et ce, d’autant plus qu’elle était entourée d’engins poussiéreux et bruyants qui la précédaient ou la suivaient et, parfois, la doublaient sur une autre file. Tout ce convoi se traînait sur une nationale devenue trop étroite, ponctuée de quelques arbres maigrichons et grisâtres : une nationale déchiquetée de temps en temps par les rafales forcenées et rageuses des stukas et, d’une manière permanente, par celles tout aussi violentes d’un soleil de saison.
Editeur: R. Julliard
1994
Un chagrin de passage
Voici ce qui se passe : Mathieu, quarante ans, architecte, marié, sans enfant, mais doté d'une jeune maîtresse, aimé des femmes d'une façon générale et aimant la vie qui le lui rend bien, apprend un matin par son docteur qu'il a un cancer des poumons et qu'il sera mort dans les six mois. On se doutait bien que l'on était mortel, qu'un jour il nous faudrait mourir, mais pas d'une façon aussi précise. C'était toujours plus tard, beaucoup plus tard dans notre esprit. Autant dire jamais, Mathieu va passer sa journée à consulter ses amis, ses femmes, ses pensées et son passé. Tout lui renvoie un reflet de lui-même qu'il ne connaissait pas. En fait, Mathieu veut bien mourir, mais pas sans avoir été aimé, pas sans être sûr d'être pleuré : il attend un cri, il n'entend que des chuchotements. Bien sûr, il a eu, autrefois, une femme qui, peut-être...
Editeur: Plon
1996
Le miroir égaré
François et Sybil forment un brillant couple qui évolue avec succès dans le milieu littéraire et théâtral parisien.Rien ni personne ne semble pouvoir les séparer jusqu'à ce qu'ils rencontrent Mouna Vogel, veuve d'un prospère industriel allemand et propriétaire d'un théâtre. Répondre aux avances que Mona fait à François pourrait faciliter l'adaptation d'une pièce que Sybil a traduite et rêve de voir montée. Les arguments de cette richissime femme du monde se traduisent en millions et François succombe. L'onde de choc de sa trahison va bientôt anéantir le passé, les instants partagés et l'amour qui semblaient le lier à jamais à Sybil.
Editeur: Plon
2020
Les quatre coins du cœur
4e de couverture Les quatre coins du cœur (Plon)
Comme bien des femmes de sa génération, Fanny voyait des protecteurs dans ses amants, idée disparue depuis belle lurette. Châteaux, cours, collines, ciel bleu pâle, fin d’été, la Touraine déroulait ses charmes.
« Que la France est belle, pensait Fanny, et que mon amour est beau… »
Ludovic était derrière elle, l’avion sentait la bruyère, et le seringa, survolé d’assez près pour qu’on le respire. À un moment, Fanny fut envahie d’un désir si vif, dû à un souvenir si précis de Ludovic, qu’elle se tourna vers lui, et se détourna aussitôt, sans l’avoir même touché du bout des doigts. Cet empêchement, cette impossibilité, serait un des souvenirs les plus sensuels de sa vie amoureuse.
Les Quatre Coins du cœur est le dernier roman de Françoise Sagan. Subtil, résolument libre, empreint de son immense maîtrise, irrigué par sa passion des sentiments et de leur altérité. L’intelligence, le cocasse, cette élégance qui lui permet de passer sur les drames de manière si vive et si concise, tout se rencontre et nous permet de revisiter une vie de Sagan à laquelle rien ne manque dans ce roman inachevé, brut et bouleversant.